“Was denkst du, bei uns länger zu sein?“. C’est ce que mon boss m’a demandé l’année dernière (“que penserais-tu de rester un peu plus longtemps parmi nous?”). J’ai été surprise d’entendre ça. J’étais comme un papillon sur la lune, déployant ses ailes pour exprimer la joie le plus discrètement possible. Je lui ai répondu: “ich würde gern bei euch länger sein!” – “cela me ferait trop plaisir de rester parmi vous!”.
J’étais stagiaire à l’époque et ai effectué, d’après lui du bon travail. Et on m’a proposé justement de continuer à bosser pour ma boîte en tant que Junior Manager. Je n’y croyais pas. Je me rappelais avoir accumulé des échecs à des candidatures pour effectuer un stage à l’étranger afin de finir mon Master. Soit je n’avais aucune expérience professionnelle, soit j’étais française, donc pas douée en allemand, soit mon Master était “trop général”. J’ai des ambitions, je me bats pour arriver à mes fins et ne pas finir comme l’hiver 2010, où je commençais à regretter l’école.
Mes parents ont voulu que je devienne infirmière ou avocate. Eh bien, je voulais exactement faire ça pour leur faire plaisir. Comme commencer par vouloir devenir pharmacienne en intégrant les cours de physique et chimie et laboratoire, quand je suis entrée au Lycée. Il s’avérait finalement que ça ne me branchait pas. Pourtant, je ne voulais pas redoubler. Perdre un an de scolarité, c’était la fin du monde pour moi. Même si pour beaucoup d’entre nous, c’est rien, ça représentait beaucoup pour mes parents. Ça signifierait que j’ai des difficultés et que j’avais besoin de soutien. Or, c’était quelque chose que je ne pouvais accepter, mes parents me considéraient comme une tête et ce serait vraiment un bel échec.
Avec cet état d’esprit, je me demandais si cela pourrait m’aider à me trouver un job dans le futur. Je n’avais pas vraiment d’expériences professionnelles en rapport avec mes études, mis à part quelques jobs par ci par là, comme caissière dans un magasin de jouets ou surveillante dans un lycée. Là, le Master que j’avais effectué m’a permis de me trouver un stage. J’étais l’une des dernières personnes dans ma promo a avoir trouvé un stage. Et punaise, c’était pas facile. Mes camarades ont eu droit à des pistons. Moi, je connaissais plus ou moins des personnes haut-placées dans le monde professionnel, mais je n’ai jamais osé les contacter. Mes camarades voulaient juste un stage pour se dire: enfin quelque chose pour changer des études et finir le Master rapidement. Je pensais pareil. Au fond, je voulais aussi savoir ce que je valais professionnellement et je voulais avoir plus de chances d’entrer dans la vie active.
Cette vie active signifiait aussi l’expatriation à Berlin. J’avais le choix. Dire oui ou non à cette offre de poste de Junior Manager. Ce stage m’a fait tellement du bien que je serais presque dégoûtée de rentrer à Mulhouse. Mes boss avaient besoin de moi et me l’ont clairement fait savoir. Ils avaient toutes les raisons du monde et des preuves concrètes de mes performances. J’étais égoïstement satisfaite. Je voulais faire encore plus.
Si cette boîte m’embauchait après mon stage, ça serait comme le jackpot pour mes profs, qui croyaient beaucoup en moi et pour montrer à mes camarades que je suis pas vraiment un boulet. Pratiquer ce job en anglais et en allemand, c’était exactement ce que je recherchais. J’ai fait des études de langues pour mettre tout ça en pratique. Faire part d’une équipe à l’échelle internationale, c’était le top du top, comme en Erasmus, rester confrontée aux personnes venant des quatre coins du monde. Trouver une atmosphère relax au boulot, qui aide très bien à passer le cap de la vie étudiante à la vie active. Et bien sûr, un salaire plutôt généreux.
Le contrat est devant moi. J’hésite avant de le signer. Pourquoi? Tout est parfait, c’était exactement ce que tout jeune diplômé souhaitait avoir. J’ai pensé à ma famille. Il va falloir que j’envisage une vie à Berlin et être parée au niveau des papiers. Je vais être obligée de me débrouiller toute seule. Et j’ai pensé à quelqu’un en particulier. C’est un signe, petit à petit, je réalisai que ça ne va plus le faire.
Une copine de fac était venue me rendre visite à Berlin pour passer mes dernières journées berlinoises en août 2011, avant de rentrer à Mulhouse, dès la fin de mon stage. On s’est baladées au bord du Spree, après avoir longé l’East Side Gallery. On s’est assises sur banc près du fleuve et avions parlé de nos souhaits et plans, une fois notre Master terminé. J’ai pensé aux conséquences qu’un des choix pouvait engendrer, l’égoïsme a pris le dessus, car j’ai finalement suivi mon cœur et mes ambitions.