Cela fera bientôt trois ans que j’ai posé mes valises à Berlin, tout d’abord pour quelques mois et désormais pour une durée indéterminée. La Teaso d’il y a six ans, était encore une gamine qui passait ses loisirs à lire ses mangas préférés dans sa chambre (des amateurs de Fullmetal Alchemist parmi vous?) et venait de s’acheter son premier ordinateur portable. C’était sympa, elle pouvait prendre plus de temps pour son petit skyblog et créer son profil Facebook.
Elle n’était pas du genre à vagabonder partout, elle était très appliquée à l’université. Bref, elle reprenait une vie normale après le décès de sa mère et cette routine ne la dérangeait pas. Elle étudiait les langues étrangères, mais semblait très peu intéressée de voyager et de s’expatrier.
C’était tout moi ça, avant que mon père m’annonçait qu’il eût économisé suffisamment d’argent pour faire partir notre famille en vacances… au Vietnam. A l’époque, notre famille était composée de mon père, ma sœur qui avait 17 ans, mon petit frère de 15 ans et ma plus jeune sœur de 12 ans. J’avais 19 ans et nous n’étions jamais partis aussi loin que la Franche-Comté ou l’Alsace.Mes parents n’avaient pas les moyens d’organiser de vraies vacances, c’était donc notre premier été en dehors de la maison.
C’est en arpentant quelques blogs de voyage que je me décidais de narrer ma vraie première expérience hors frontière. En réalité, ce sujet a été proposé par Jérémy du blog Roadcalls.fr qui a eu la bonne idée de créer l’événement interblogueurs consistant à raconter son premier voyage. D’ailleurs, vous pouvez même voter pour lui en cliquant ici : http://www.roadcalls.fr/mon-premier-voyage-evenement/
Prise de tête avant le départ :
D’abord, la difficulté de partir en voyage, c’était la préparation des valises. Mon père tenait absolument à ce que mes sœurs et moi remplissions nos valises 2 semaines avant le départ. Quels sont les effets personnels les plus importants à inclure dans nos bagages ? C’était lamentable, à 19 ans, j’étais déjà incapable de prioritiser ce que je devais mettre dans mon sac de cours, ce n’était pas gagné. Les appréhensions se multipliaient à l’approche du grand départ.
Beaucoup de stress et de curiosité m’envahissaient l’esprit et je me posais mille questions aussi insensées qu’immatures : est-ce que l’autre partie de notre famille vivant au Vietnam ont des lits avec matelas ? Est-ce qu’on va mourir à cause des piqûres de moustiques ? Est-ce qu’il va vraiment faire très très chaud comme l’été en France ? Est-ce que je pourrai accéder à Internet si je veux communiquer avec mes amis, mes proches ?
Et la situation finale qui va bouleverser la vie de cette Teaso : l’université me proposait de partir une année en Erasmus à la rentrée prochaine, donc à peine rentrée des vacances asiatiques, il faudra refaire ses bagages pour repartir à l’étranger !
Ce sentiment un peu WOW dès la sortie de l’aéroport :
Dès l’atterrissage à Saigon après une dizaine d’heures d’avion, j’étais déjà un peu désorientée, car c’est notre baptême de l’air et le décalage horaire se ressent beaucoup. Immature que j’étais à l’époque, j’ignorais longtemps tous ces éléments différenciant les cultures des unes des autres. Bien que j’aie grandi dans un environnement franco-khmer-vietnamien, c’était à la sortie du hall de l’aéroport que je réalisai, le cœur battant, que je n’allais pas non plus échapper au choc culturel.
Il y avait une immense foule qui attendait leurs proches, guettant minutieusement les visiteurs, y compris notre famille. Les bruits inhabituels des klaxons automobiles en continu, qui affectaient nos ouïes nous donnaient l’impression qu’on avait appuyé sur la touche volume + par mégarde. Passer de l’air conditionné depuis la première heure dans l’avion à une température tropicale, ça faisait aussi partie des petits détails qui m’ont tiqué.
Pendant que mon père retrouvait sa sœur qui devait nous accueillir, j’observais rapidement la réaction de mes sœurs et de mon frère, je pense qu’ils avaient un peu peur, car la maison leur manquait déjà. C’est peut-être quelque chose de banal pour un voyageur, mais en tant que touriste, cette sortie de l’aéroport était un grand moment pour moi. D’ailleurs, je n’ai plus ressenti cette sensation durant mes autres voyages à la sortie d’aéroport d’Amsterdam ou de Londres…
« C’était donc ça le Vietnam » :
On rentrait dans un grand van de taxi, je n’écoutais plus personne, déjà hypnotisée par ce cadre totalement inhabituel. Cet impressionnant embouteillage des motos qui roulaient en masse, qui se klaxonnaient avec insistance et qui ne semblaient pas prendre conscience du danger de la route (euh, faut dire que j’avais pris mes premières leçons de conduite auto école avant les vacances)… J’étais comme tombée dans un autre monde. Les routes, les bâtiments, les feux de signalisation, les gens, les rues… tout était différent de Mulhouse.
A plusieurs reprises, j’eus cette impression de reconnaître des lieux, en me rappelant des vieilles photos que mes parents me montraient de leur jeunesse. D’ailleurs je n’avais même pas pensé à regarder l’heure, mais on devinait bien que c’était l’après-midi. Mon père parlait gaiement avec sa sœur qu’il n’avait plus revue depuis un bail ; mes sœurs, mon frère et moi, tous silencieux, étions trop absorbés par cet environnement auquel nous allions nous adapter pendant une longue période.
Welcome to Tra Vinh… and to your own family.
Ayant dû dormir dans un petit hôtel pas cher en face de la gare d’Hô Chi Minh Ville, nous avions attendu l’aube pour prendre la route vers le village de mon père dans le province de Tra Vinh à 5h de route, au Delta du Mekong où la minorité khmer krom y vit. Toujours impressionnée par cet environnement saïgonnais, en attendant le van, je pris le temps d’attraper le caméscope de mon père pour capturer cette simple scène de rue où le trafic routier semblait ne jamais cesser. Mon premier petit-déjeuner était un délicieux banh mi à la viande de porc cuit. Maintenant vous comprenez la raison pour laquelle j’appréciais tellement les restaurants vietnamiens sur Berlin ?
Très vite, j’en avais franchement un peu ras le bol de ce cadre un peu trop citadin et avais hâte de partir à la campagne. Mon père venait d’un petit village à proximité de Tra Vinh, Cau Ngang (les habitants sont bilingues viet et khmer). Je doute que beaucoup de touristes connaissent ce lieu, car il faut vraiment connaître les gens qui y vivent et les plus proches arrêts de bus sont situés à 20 km de la maison de la famille de mon père. La maison. Remplie de personnes ressemblant à mon père. 3 frères et 2 soeurs plus quelques cousins et voisins de mon père habitant dans le quartier. Dans la salle de séjour, je répérais facilement de loin parmi de nombreuses photos occupant un armoire, le portrait de notre famille… et de ma mère aussi au milieu des statuettes de Bouddha, des bougies d’encens, des fruits en offrande.
Plus je dévisageais chaque membre de ma famille, plus j’avais un sentiment… triste? On était tous confus dans cette maison, on cherchait à savoir quel membre de la famille ressemblait le plus à mon père, à ma mère, à une de mes tantes ou oncles etc. J’aurais dû être heureuse de les rencontrer, mais voir leurs visages me rendaient tellement nostalgique. Une partie de moi sentait la présence de ma mère et je crois même que c’était pour cette raison que j’avais senti les larmes monter… C’est juste que.. bref.
D’accord, ce n’est pas une maison à la Desperate Housewives, mais il y a beaucoup de charme dans cette maison rose.
Ce que j’ai appris :
Pour la suite, je ne vais pas trop m’éterniser parce que je pourrais écrire un roman (je pourrais peut-être raconter dans un nouvel article, la vie à Vinh Long, le village de ma mère?) et j’ai déjà écrit quelques mots sur mon séjour au Cambodge, mais si je devais retenir plusieurs points de mon premier voyage, voilà toute la leçon que j’ai apprise au cours de cette période :
- Les vacances familiales sont un peu trop encadrées à mon goût, mais pour mon premier voyage à l’étranger, la présence de mon père était nécessaire pour faire découvrir mes sœurs, mon frère et moi des endroits bien sympathiques.
- Il faut accepter les conditions de vie des autochtones, mes parents nous ont bien élevé de manière à ce que nous ne comportions pas comme des enfants gâtés.
- Il va falloir faire des efforts pour mieux parler le khmer !
- Il faut admettre le fait que nous ne puissions pas aider financièrement tout le monde. Un simple sourire et une discussion agréable rendent déjà les gens heureux.
- Ne pas s’habiller trop léger parce que les moustiques m’ont bien massacré mes jambes et, du coup, je suis devenue accroc au baume de l’aigle.
- Remplir correctement les papiers administratifs. Lors de mon passage au Cambodge, on avait eu quelques soucis de visa pour rentrer au Vietnam et parce que mon père avait mal rempli le formulaire, il avait dû payer une amende.
- Toujours se souvenir que la famille est importante, elle doit rester soudée, malgré les conflits.
- Ne jamais oublier ses racines khmer krom, car c’est bien plus qu’une minorité ethnique. C’est une partie du passé du Vietnam du Sud.
- Ne pas avoir honte d’apprécier manger les soupes pho au petit déjeuner avec un bon café sua da!
Ce voyage a été le moment le plus marquant de ma vie, car bien sûr, c’était ma toute première fois et la destination est située à l’autre bout de la Terre, mais aussi parce qu’après cela, j’ai adopté une nouvelle manière de voir le monde et je n’avais plus qu’une envie, c’était de retourner là-bas, voire même de continuer à découvrir d’autres pays. Je pense que ce genre d’expérience était assez riche pour que je puisse oser voyager sans ma famille.
Je viens de voir que j’ai écrit un bon gros pavé sur mon premier voyage, mais ce petit retour en arrière m’a permis de prendre du recul et me remémorer de ce grand moment. Même à l’heure actuelle, je ressens un gros pincement au cœur et j’en pleure, c’était la plus belle expérience humaine que j’ai vécu. Ma défunte mère m’avait tellement parlé de sa jeunesse, de son entourage au Vietnam, j’avais l’impression de lire un roman et d’avoir rencontré ces personnages dans la vraie vie. Vietnam… wait for me!